Résumé des chapitres
Présentation
Ce livre répond à un besoin exprimé par une grande majorité de Pdg.,
de gestionnaires et d'employés à travers le monde : un besoin de sens.
Dans la plupart des pays du monde, entre 50 et 90 % des gestionnaires
recherchent une meilleur intégration de l'éthique et de la spiritualité
dans leur travail. Sceptiques face au mouvement du Nouvel âge, méfiants
envers le dogmatisme religieux, rejetant à la fois les sectes abusives
et l'intolérance moralisante, ces gestionnaires recherchent des approches
pratiques et des outils afin de cultiver leurs valeurs profondes au travail.
Ce livre répond à cette demande. Fruit du Premier Forum International
sur le Management, l'Éthique et la Spiritualité (FIMES), une première
mondiale qui s'est tenue dans une École de Commerce de renom international
(HEC Montréal), ce livre exposeles vues de cinq présidents, Pdg et Directeurs
généraux d'entreprises, deux directeurs d'École de commerce
et six experts internationaux provenant d'Australie, du Canada, des États-Unis
et de la Suisse; il décrit six cas
d'organisations opérant dans différents secteurs d'activités : le système
bancaire, la publicité, l'alimentation, la
gestion municipale, la santé et l'éducation; et il présente trois dialogues
tenus dans un auditoire de 200
personnes du monde des organisations.
Par son style direct et ses exemples concrets, ce livre est d'abord
destiné aux dirigeants, gestionnaires, professionnels, employés, formateurs
et agents de changement en organisation; par son cadre théorique et ses
très nombreuses références il est aussi destiné aux éducateurs et chercheurs
scientifiques dans un
domaine où de nombreuses publications manquent encore de rigueur.
Introduction
Intégrer l'éthique et la spiritualité dans toutes
les facettes du management et du leadership des organisations est devenu
un besoin pressant exprimé par les gestionnaires eux ou elles mêmes.
La question fondamentale est de savoir comment concilier la richesse économique
avec les richesses éthiques et spirituelles Le sujet est fascinant,
grave, fondamental et glissant. Les écueils potentiels sont nombreux
: l'éthique peut sombrer dans le légalisme, le dogmatisme
ou la moralisation abusive; la spiritualité peut mener au fondamentalisme,
aux superstitions archaïques ou au développement de sectes
abusives; et toutes deux, l'éthique et la spiritualité,
peuvent être récupérées afin de manipuler les
personnes, employées et gestionnaires, dans l'espoir de maximiser
le profit.
Et pourtant, l'introduction de l'éthique et la spiritualité
dans le monde du travail, l'une plus raisonnée, l'autre plus transcendante,
pourrait répondre à un besoin fondamental des êtres
humains : un besoin de sens, un besoin d'intégration, un besoin
d'enracinement, un besoin de transcendance.
Dans cette introduction je présente les raisons pour lesquelles
l'intégration de l'éthique et de la spiritualité
dans le monde du travail est nécessaire aujourd'hui et je propose
des stratégies afin d'éviter certains écueils potentiels.
Je présenterai en premier certaines des raisons qui motivent la
"crise de sens" actuelle dans les entreprises et décrirai
comment les personnes répondent généralement à
une crise, de façon positive et moins positive. Je suggérerai
ensuite la présence de quatre tendances lourdes qui démontrent
que le sujet de l'éthique et de la spiritualité au travail
n'est pas une mode passagère de plus en management mais répond
à un désir profond et durable, et je proposerai des stratégies
afin d'éviter certains écueils. Enfin, je décrirai
le réseau international que nous avons formé dans le but
de concrétiser l'avènement simultané des richesses
économiques et des richesses éthiques et spirituelles dans
les organisations, le Forum International sur le Management, l'Éthique
et la Spiritualité (FIMES) et je présenterai le contenu
de ce livre.
Chapitre
1
Les valeurs et l'éthique : l'une des six questions
les plus difficiles à résoudre en gestion
Jean-Marie
Toulouse
Jean-Marie Toulouse, directeur de l'École des Hautes Études Commerciales
de Montréal (HEC), l'École de
commerce la plus ancienne et l'une des plus prestigieuses au Canada, affiliée
à l'Université de Montréal, a
tenu personnellement à ouvrir le forum. Dans son intervention, il souligne
le fait que ce forum est une première
mondiale : jamais auparavant les notions de management, d'éthique et de
spiritualité n'avaient été associées
explicitement et discutées publiquement dans une école de commerce. Il
insiste également sur le fait que le
thème du forum s'inscrit dans la lignée des grandes valeurs qui animent
l'École des HEC de Montréal depuis
sa fondation au début du siècle, en particulier son souci de préserver
un équilibre entre la formation
spécialisée et la formation générale des gestionnaires. Enfin il se dit
convaincu que discuter ouvertement de
questions d'éthique et de spiritualité en gestion répond véritablement
à un besoin du milieu des affaires, ces
questions étant parmi les plus difficiles à résoudre pour toute entreprise,
au même titre que les questions de
structure, de direction, d'efficience, d'environnement et d'entrepreneurship.
Chapitre
2
La spiritualité au travail :
le prochain défi majeur en management
Ian
I. Mitroff
Dans ce chapitre, Ian I. Mitroff, professeur influent en management ainsi
que consultant reconnu, nous
présente les résultats d'une des premières études empiriques conduite
sur la spiritualité en milieu de travail.
L'étude, réalisée récemment, a fait appel à 230 gestionnaires et directeurs
aux États-Unis. Les résultats sont
surprenants : par exemple, nous apprenons que 92% des gestionnaires aimeraient
intégrer des principes
spirituels dans leurs organisations mais qu'ils s'empêchent de le faire
pour plusieurs raisons, tel le manque
d'exemples et de modèles pratiques, le besoin de rester critiques et de
ne pas s'associer avec le mouvement
du "Nouvel Âge" ou la volonté de respecter les autres et eux-mêmes.
De plus, ces gestionnaires établissent
clairement la distinction entre la notion de spiritualité et celle de
la religion. Ils sont tous et toutes d'accord
pour dire que davantage de spiritualité au travail les aiderait à vivre
une vie plus intégrée et donnerait à leurs
organisations une réputation de "qualité mondiale". Cette enquête
importante nous révèle aussi quelques
conditions et processus nécessaires pour que la pratique du management
devienne plus spirituelle et éthique :
le besoin d'une crise pour déclencher le processus de transformation;
le besoin d'une aspiration éthique plus
élevé ainsi que des règles déontologiques différentes; le besoin de remettre
en question la pensée
traditionnelle qui veut que la spiritualité ne soit que personnelle, et
faire en sorte qu'elle devienne aussi ine la
spiritualité puisse d'institutionnaliser. Le chapitre conclut avec une
typologie des diverses voies que peuvent
prendre les organisations pour se transformer. Ian Mitroff exprime aussi
l'outrage moral qu'il ressent du fait que
la recherche scientifique, en sciences administratives, ait jusqu'à maintenant
ignoré un sujet d'étude si
important.
Chapitre
3
La "crise du croire" en entreprise et
la nécessité
d'un dialogue sur la signification du travail
Solange
Lefebvre
Dans ce chapitre, Solange Lefebvre, en tant que théologienne et anthropologue,
retrace les différentes
significations attribuées aux notions de religion, de spiritualité et
de travail à travers les siècles et suggère que
la "crise du croire" observée actuellement en entreprise et
dans la société en général requiert l'urgente tenue
d'un dialogue sérieux sur ces notions. En se basant sur des entrevues
très élaborées qu'elle a réalisée en
entreprise, elle aborde les tabous entourant les notions de spiritualité
et de religion en entreprise et les
connotations négatives attachées généralement au travail. Elle insiste
aussi sur les besoins de "respect" et de
"raccord" exprimés par de nombreuses personnes face à leur expérience
vécue de "fragmentation", expérience
évoquée par Ian I. Mitroff dans le chapitre précédent.
Rappelant que le bonheur se trouve aussi dans les difficultés et que
l'une des fonctions de la religion et de la
spiritualité est de permettre aux personnes de prendre conscience de leurs
limites - de réaliser qu'elles ne
sont des déesses ou des dieux - Solange Lefebvre propose qu'une éthique
et une spiritualité du travail se
fondent non pas sur une fuite du monde mais sur l'impératif de la vie
en commun et sur une ré-interprétation de
la notion même du travail. Elle suggère de plus que l'intégration de l'éthique
et de la spiritualité en entreprise
doit être soutenue par des actions particulières, comme la valorisation
de modèles de vie et la pratique de
rituels. Enfin, elle affirme qu'il est fondamental que le monde des organisations
et de l'économie, à la base
même des échanges vitaux, intègre des valeurs éthiques et spirituelles
dans ce siècle où, comme elle le dit
joliment "le progrès nous est rentré dans le corps".
Chapitre
4
Dialogue sur la première partie
Un dialogue est beaucoup plus qu'une période de questions et de réponses,
régie par le souci de l'information
ou de l'argumentation. Son objet n'est pas non plus seulement "communicationnel"
où l'on prône l'affirmation
de soi et l'écoute de l'autre. Plus fondamentalement, la discipline du
dialogue permet l'exploration des
suppositions de base entretenues par les personnes dans une société donnée,
sans obligatoirement suivre
une suite logique, une structure préétablie.
Dans le dialogue qui suit, le lecteur ou la lectrice se sensibilisera
aux questions, aux espoirs, aux
expérimentations et aux colères des intervenants et des participants ainsi
qu'aux manifestations de désespoir,
de souffrance, de réussite et de joie. Le manque apparent de structure
d'un tel dialogue semble
particulièrement adapté à l'ambiguïté inhérente à un sujet comme celui
de l'intégration de l'éthique et de la
spiritualité en management. Son cheminement est aussi déroutant, parfois,
que le sujet qu'il explore. Ce livre
comporte trois dialogues. Ceci est le premier, tenu après la première
partie du forum. Il révèle quelques unes
des affirmations et des interrogations entretenues dans un auditoire d'environ
200 personnes, dont 140
personnes oeuvrant comme consultants, cadre ou dirigeants dans des organisations
privées, publiques,
gouvernementales et associatives.
Chapitre
5
Éthique, spiritualité et le mouvement coopératif
dans le système bancaire
Claude
Béland
Dans ce chapitre, Claude Béland, président d'une institution financière
importante, présente une philosophie et un design organisationnel qui favorise l'éthique et la spiritualité. À
titre de président du mouvement Desjardins
qui emploie plus de 40 000 personnes et gère un actif financier de plus
de 70 milliards de dollars, il décrit
l'esprit du mouvement coopératif comme un "projet de société",
retrace l'histoire du Mouvement Desjardins à
travers celle de son fondateur, Alphonse Desjardins, résume les mutations
récentes qui vont à l'encontre des
valeurs du mouvement coopératif et donne des exemples précis sur comment
son institution a dû s'adapter à
la réalité dominante de l'économie de marché. En conclusion, Monsieur
Béland explique les raisons pour
lesquelles, d'après lui, le mouvement coopératif est un gage d'avenir
dans un monde en "quête de sens" et
plaide pour l'éducation à la citoyenneté, à la démocratie, à la responsabilité
et à la solidarité afin d'humaniser
l'économie et la société.
Exemple "d'entreprise évolutive" décrite par Ian I. Mitroff
(voir le chapitre 2), le mouvement Desjardins a réussi
à enraciner son origine chrétienne dans le mouvement coopératif et à prospérer
dans une industrie gouvernée
par d'autres valeurs. Ces deux victoires lui valent de nombreuses critiques
: Certains lui reprochent de n'être
pas assez capitaliste et de manquer d'efficacité et de rentabilité, alors
que d'autres l'accusent d'avoir "vendu
son âme" et de trop transiger avec le monde capitaliste . Et pourtant,
comme s'est expliqué lui-même Claude
Béland dans un livre récent , le mouvement Desjardins a préservé sa flamme
coopérative. Encore aujourd'hui,
d'importantes décisions sont prises par 14 000 personnes suivant le principe
"une personne, un vote" et
Desjardins fut l'une des rares institutions financières qui s'est opposée
récemment aux fusions des banques
canadiennes. Faire partie du monde dominant, tout en offrant une alternative,
est le paradoxe managérial
discuté dans ce chapitre par Monsieur Béland.
Chapitre
6
L'Éthique, la spiritualité et la publicité : un ménage à trois réalisable.
Madeleine
Saint-Jacques
Dans ce chapitre, Madeleine Saint-Jacques, présidente d'une grande
agence de publicité montréalaise,
déclare sa fierté d'exercer son métier de publicitaire. Elle rappelle
que même si la publicité, perçue comme
manipulatrice et mercantile, a mauvaise presse, elle est avant tout une
forme de communication qui véhicule
un message. Pour elle, une éthique et une spiritualité de la publicité
sont possibles et devraient être évaluées
d'après la nature du message véhiculé, selon qu'il exploite le facile
et le grossier, qu'il soit de nature à informer
le bien publique ou qu'il atteigne les profondeurs de l'être humain. Madame
Saint-Jacques affirme que la
publicité se doit de respecter des valeurs essentielles, considérant que
cette dernière est un instrument
puissant dans notre société, exerçant le pouvoir omniprésent du "faiseur
d'image" - une personne est exposée
en moyenne à plus de 2 500 messages par jour! Après nous avoir rappelé
que toute l'industrie est régie par un
code d'éthique stricte, elle prend l'exemple de sa propre agence où chaque
message véhiculé est en accord
avec les valeurs personnelles et profondes de sa présidente.
Si dans le chapitre précédent, Monsieur Béland expliquait les façons
par lesquelles une institution financière
peut être différente malgré les pressions du marché, Madame Saint-Jacques
fait ici de même dans le domaine
de la publicité. En outre, elle suggère que le message publicitaire peut,
si on le désire, véhiculer "le souffle qui
fait vivre" et elle nous donne des exemples concrets. De plus, elle
suggère que les valeurs n'émanent pas
seulement du monde social, des modes ou des institutions. Comme je l'ai
suggéré par la notion de "niveau de
développement de la conscience" (voir le chapitre d'introduction),
Madame Saint-Jacques suggère que ces
valeurs proviennent aussi d'une aspiration profonde de l'être et, pour
être fière de son métier de gestionnaire
publicitaire, elle doit attribuer à cette aspiration une "attention
particulière", comme aimait le dire la philosophe
Simone Weil (voir le chapitre 12).
Chapitre
7
Outils de gestion pour l'humanisation et la spiritualisation
du
travail en économie de marché: 20 ans d'expérimentation
dans une entreprise du secteur alimentaire
J.-Robert
Ouimet
Dans ce chapitre J.-Robert Ouimet, président du Conseil d'administration
et chef de la direction de trois
entreprises de tailles moyennes dans l'alimentation, décrit comment des
valeurs d'humanisation et de
spiritualisation ont été institutionnalisées depuis une vingtaine d'année
dans ces entreprises. D'inspiration
chrétienne, mais ouvert à d'autres religions et traditions spirituelles,
cette institutionnalisation est
particulièrement sophistiquée : elle a fait l'objet de nombreuses recherches
et d'expérimentations durant 40
ans; elle fut le sujet d'une thèse de doctorat déposée récemment par ce
Pdg; elle a intégré les observations
personnelles de personnalités internationales comme, par exemple, Mère
Teresa. Cette institutionnalisation
est basée sur une définition sophistiquée du type de responsabilités et
de valeurs à être poursuivies. Elle a de
plus engendré l'invention de 16 outils de management innovateurs. Et son
efficience a de plus été évaluée,
jusqu'à maintenant, par 19 enquêtes systématiques.
Ce cas est une démonstration concrète de la nécessité d'utiliser les
principes de la pensée systémique en
management (voir le chapitre 2), même si l'auteur emploie des appellations
différentes, parlant "d'intervenants"
au lieu de "groupes d'intérêts"* et de "responsabilités"
au lieu "d'enjeux". Il exemplifie de plus les différences
existantes entre les "besoins d'humanisation" et ceux de "spiritualisation"
(voir le chapitre d'introduction).
Monsieur Ouimet, sur qui les magazines Canadian Business et L'Actualité
ont récemment publié des articles,
conclue en suggérant que le succès de cette institutionnalisation prouve
qu'il est possible de concilier la
richesse économique avec les richesses éthiques et spirituelles en économie
de marché et dans une industrie
où la compétition est gouvernée par des entreprises de tailles très importantes.
Il suggère de plus que cette
institutionnalisation est transposable dans d'autres entreprises et d'autres
cultures si trois conditions
minimales sont respectées.
Chapitre
8
Gérer une entreprise publique : une projection de ses valeurs
éthiques et spirituelles
Vera
Danyluk
Dans ce chapitre, Madame Danyluk, réélue pour la seconde fois à la
Présidence du Comité exécutif de la
Communauté urbaine de Montréal - réunissant plus de 1.8 millions de citoyens
et de citoyennes - offre un
témoignage personnel sur la contribution de sa vie spirituelle pour l'exercice
de son leadership publique. Elle
ne cache pas son appréhension à dévoiler sa démarche intime et considère
que ce partage est encore plus
difficile que l'exercice de la vie politique. Prenant également un perspective
systémique (voir le chapitre
précédent), Madame Danyluk décrit ses relations avec les élus, ses employés
et les citoyens. Bien qu'elle se
refuse d'imposer à d'autres des vues ou des pratiques religieuses, elle
insiste qu'elle puise de sa vie spirituelle
de nombreuses capacités essentielles pour l'exercice de son leadership
: l'énergie, le détachement et la
sérénité afin de pouvoir surmonter des situations difficiles; l'emphase
sur l'intégrité à long terme et moins sur
des éclats immédiats; l'implantation d'un éthique rigoureuse pour une
saine gestion du "bien publique";
l'avènement d'une cohérence entre la parole et l'action; l'enthousiasme
de servir ses concitoyens et la
conscience de la noblesse de cette tâche; la possibilité de dépasser la
médiocrité inhérente à tout système
démocratique; ou la force intérieure de dévoiler publiquement les insuccès
de son administration.
Affirmant que pour elle la rencontre du divin s'effectue fondamentalement
à travers les personnes, Madame
Danyluk insiste de plus qu'elle puise de sa vie spirituelle son refus
de la haine, de la rancune et du dépit ainsi
que sa capacité de pardonner. Ce faisant, elle répond aux deux conditions
qu'Anna Arendt avait proposé face
à la complexité et à l'irréversibilité des affaires humaines : le pouvoir
de promettre, la promesse enchaînant ce
qui est incertain dans le futur par des contrats ou des lois; et le pouvoir
de pardonner qui délie ce qui était lié
dans le passé . Si Anna Arendt doutait que le pardon puisse exister en
politique, le leadership de Vera
Danyluk démontre le contraire.
Chapitre
9
Le défi Qualité/Performance du service de la pastorale
Une satisfaction de la clientèle et une efficience de séjour hospitalier
Yves
Benoît
Dans ce chapitre Yves Benoît, directeur général d'un important centre
hospitalier, tire les leçons de
l'intégration des services de pastorale dans le réseau de la santé. La
réforme qui a secoué récemment ce
réseau au Québec - similaire à d'autres dans le monde - a mené son organisation
à adopter une approche
systémique, un thème récurant dans ce livre : Les différents "stakeholders"
du système - des médecins, des
infirmières, des membres du Conseil d'administration et de l'équipe dirigeante,
des professionnels, des
syndicalistes, des clients, des représentants des familles des patients,
etc. - ont engagé un dialogue sur un
"enjeu" majeur, celui des valeurs à privilégier. Ces valeurs
- le respect, l'équité, l'imputabilité, la transparence,
la responsabilité, la cohérence et le partenariat - sont similaires à
celles avancées par la notion de "saine
gestion" (voir le chapitre d'introduction) ou celles préconisées
dans le système coopératif (voir le chapitre 5).
Dans cette mouvance, le service de pastorale a été appelé à se décloisonner
et à intégrer les équipes
multidisciplinaires dont les tâches sont centrées sur les besoins de la
clientèle, et ceci avec deux effets
majeurs : une reconnaissance accrue de l'importance de la pastorale pour
la santé, distinguant entre les
besoins spirituels et les besoins religieux des patients; et un élargissement
de la notion de soin elle-même,
passant du soin du corps à celui, aussi, du coeur et de l'esprit. Enfin
Monsieur Benoît se réfère à de
nombreuses recherches scientifiques qui suggèrent que d'être croyant et
de poursuivre une pratique spirituelle
a un effet positif sur la santé, incluant, par exemple, une diminution
des maladies cardio-vasculaires, de la
dépression et des états anxiogènes et une réduction de la durée de la
convalescence. Ces effets ont été
confirmés par des médecins de centres réputés comme, par exemple, la Harvard
Medical School, Duke
University ou Yale University . En conclusion, Monsieur Benoît désire
encourager encore davantage les
apports éthiques et spirituels de la pastorale, des gestionnaires et des
employés dans le réseau de la santé.
Chapitre
10
Affaires, valeurs et spiritualité
Le cas d'une École de commerce en Australie
Peter
Sheldrake et James Hurley
Dans ce chapitre Peter Sheldrake, directeur d'une importante École
de commerce en Australie, et James
Hurley, responsable de son nouveau programme de DBA· , décrivent certains
principes afin d'intégrer l'éthique
et la spiritualité dans la formation universitaire en administration ainsi
que les difficultés inhérentes à une telle
formation. Comme un écho à la demande d'Ian Mitroff pour des philosophies
et des designs radicalement
différents en éducation (voir le chapitre 2), les principes proposés incluent
la nécessité de concevoir un
programme sur la base d'une réelle intégration entre le développement
personnel et la pratique professionnelle,
adaptant la structure du programme aux valeurs poursuivies et non l'inverse;
celle de passer de la notion de
"candidat isolé" à celle d'une "communauté d'apprentissage"
développée conjointement par les participant(e)s
et les enseignant(e)s; et celle aussi de passer de la connaissance motivée
par le désir de contrôle à la
connaissance dérivée de la compassion.
Après avoir décrit les sources des difficultés rencontrées, provenant
des candidat(e)s, des enseignant(e)s, du
cadre administratif et de la culture ambiante, Peter Sheldrake et James
Hurley suggèrent différents
mécanismes et processus qu'ils jugent essentiels afin qu'un tel programme
soit un succès: l'usage de
l'apprentissage expérientiel; l'enrichissement continuel entre le développement
personnel, la connaissance et
la pratique; le développement d'un espace d'apprentissage sécuritaire;
l'utilisation de l'art et de la littérature;
l'enracinement dans la notion de "vocation", individuelle et
institutionnelle; la redéfinition de la notion de
"travail"; la formation et l'encadrement continu des formateurs;
l'encouragement d'un changement profond dans
le système universitaire; et l'assurance de la légitimité du programme
par les entreprises elles-mêmes. Enfin,
par le biais d'une histoire Quaker, les auteurs nous rappellent que le
discernement éthique provient surtout des
profondeurs de l'âme et d'un dialogue profond avec soi-même et les autres,
un thème dominant dans ce livre et
qui sera repris dans le chapitre de conclusion.
Chapitre
11
Dialogue sur la seconde partie
De nouveau, un dialogue est beaucoup plus qu'une série de questions
et de réponses entre les conférenciers
et conférencières et des personnes de l'auditoire (voir l'introduction
du chapitre 4). Afin de dépasser ce mode
"expert-novice", les périodes de dialogue durant le forum permettaient
de poser des questions mais aussi
d'offrir des témoignages, ainsi que d'exprimer différents points de vue
et différentes émotions. La diversité des
thèmes abordés dans ces dialogues sur le management, l'éthique et la spiritualité,
permet une première
évaluation des thèmes qui préoccupent les personnes travaillant en entreprise
ainsi que les émotions qui
animent ces personnes. Plus fondamentalement encore, un dialogue permet
d'appréhender la "structure de
pensée" d'un groupe et ses "suppositions de base", permettant
potentiellement, à terme, une "conversation
profonde" dans un "espace sécuritaire" à laquelle nous
conviaient Peter Sheldrake et James Hurley dans le
chapitre précédent.
Chapitre
12
Pour une éthique spirituelle du travail : quelques
inspirations de Simone Weil
Thierry
C. Pauchant
Dans ce chapitre je présente les vues de la philosophe Française Simone
Weil (1909-1943) sur la nécessité
de fonder notre civilisation sur une éthique spirituelle du travail. Je
présente en premier une introduction à sa
vie et son oeuvre, Simone Weil étant pratiquement inconnue dans le monde
de l'administration - que cela soit
dans les Ecoles de commerce ou en entreprise - malgré une influence notable
dans de très nombreux milieux.
J'invoque aussi plusieurs raisons pour lesquelles l'oeuvre de Simone Weil
est fondamentale afin de développer
une éthique spirituelle du travail. J'explique ensuite qu'elle a proposé
une vue à la fois existentielle et spirituelle
du travail en proposant que l'activité du travail est le point d'adéquation
entre, d'un côté, la pensée et l'action et,
de l'autre, la pesanteur et la grâce.
Je présente enfin dix suggestions présentées par Simone Weil afin
de développer cette éthique spirituelle du
travail. Ces suggestions incluent les nécessités suivantes : limiter la
course à la domination du monde;
retrouver la notion de limite; considérer nos entreprises comme des instruments
de production et de
destruction; dépasser les considérations purement économiques; sécuriser
et démocratiser le travail; favoriser
l'adéquation entre la pensée et l'action; enraciner la pensée dans la
personne; réinventer le politique;
développer une nouvelle aventure de l'esprit scientifique; et encourager
la capacité pour une attention subtile.
En conclusion, je note que de redécouvrir l'oeuvre de Simone Weil
- ainsi que celles d'autres auteurs comme
Chester I. Barnard, Abraham Maslow, Marie Parker Follet ou E.F. Schumacher
- sera indispensable afin de
développer une éthique spirituelle du travail en management, dans nos
organisations et dans nos sociétés. À
mon avis, la rencontre profonde avec une personne qui perçoit le monde
et agit dans lui du niveau de
conscience " trans-personnel " (voir le chapitre d'introduction)
est l'une des stratégies les plus riches à utiliser
afin d'accomplir les buts du FIMES.
Chapitre
13
Efficacité économique, base éthique et valeurs spirituelles
Roger
Berthouzoz
Dans ce chapitre, Roger Berthouzoz, théologien, éthicien, Père Dominicain,
expert en éthique économique et
du développement puise à une source précise - la théorie sociologique
et systémique de Niklas Luhmann - afin
d'intégrer des valeurs éthiques et spirituelles en management et dans
l'économie. Reprenant l'un des thèmes
récurrents dans ce livre, celui de la nécessité d'embrasser une perspective
systémique, il rappelle que
l'effondrement du marxisme ne devrait pas mener à l'idéalisation du néolibéralisme.
Pour Roger Berthouzoz,
ces deux idéologies fragmentent le réel, la première par l'omniprésence
de l'État, la seconde par celle du
marché. En proposant l'idée que tout système développe sa propre rationalité
et ses propres pratiques,
engendrant ainsi son identité, il refuse à la fois " l'éthique corrective
" imposée de l'extérieur et " l'éthique
utilitaire " récupérée par l'interne. Il suggère plutôt une "
éthique intégrative " qui se doit d'être discutée à
l'intérieur de chaque système, en coopération avec tous ses partenaires,
afin de réellement bonifier les
décisions. De plus, il suggère que l'éthique, tout comme la Déclaration
Universelle des Droits de la Personne,
se doit d'être inspirée en amont par de grandes valeurs - la dignité humaine,
la justice, la solidarité, le
développement spirituel - et en aval, par des pratiques opératoires -
des chartes de responsabilités, des codes
d'éthique et des outils de management.
Certaines des théories introduites par Roger Berthouzoz dans ce texte
érudit sont actuellement utilisées dans
les recherches scientifiques les plus avant-gardistes en administration
- la nature de la complexité, l'analyse
systémique, la théorie de l'auto-organisation, les différents modes de
réalités anthropologiques etc. Si cette
"aventure de l'esprit scientifique", comme le disait Simone
Weil (voir le chapitre 12), peut sembler déroutante
au premier abord, elle reste nécessaire si nous voulons réellement humaniser
et spiritualiser nos pratiques
managériales et notre système économique, ainsi que nous-même et le monde
en général.
Chapitre
14
Éthique des affaires et spiritualité chez les Juifs,
les Chrétiens
et les Musulmans
Michel
Dion
Avocat, théologien et professeur d'éthique, Michel Dion compare dans
ce chapitre les principes du judaïsme,
du christianisme et de l'islam relatifs à l'économie, au management et
au travail en général. Pour ce faire, il
commente une déclaration inter-religieuse débutée en 1984 sous l'impulsion
du Prince Philippe de
Grande-Bretagne et du Prince Hassan Bin Talal de Jordanie, et concrétisée
par un code d'éthique pour les
affaires internationales, signé en 1993. Cette déclaration a été créée
spécifiquement afin de répondre à
l'internationalisation des échanges économiques et de développer des standards
moraux élevés pour la
conduite des affaires.
Michel Dion commente trois thèmes fondamentaux dans ce chapitre :
la justice sociale et la recherche du
bien commun; l'intendance de la création; et les principes d'économie
politique, incluant ceux relatifs à la
compétition, la prospérité, la fonction de l'État, la dignité humaine
et l'environnement. En conclusion, il affirme
que le développement d'une éthique collective, d'après ces trois religions
monothéistes, n'est pas incompatible
avec l'affirmation de leurs différences spécifiques. Ce paradoxe peut
être résolu par l'instauration d'un réel
dialogue inter-religieux.
Cette déclaration peut être vue comme une continuation de l'oeuvre
débuté par le grand sociologue Max Weber
au début du siècle sur les relations existantes entre les religions et
l'économie . Considérant les religions
comme les fondations mêmes de nos cultures et sociétés, l'oeuvre de Weber
souffrait pourtant d'un certain
biais, l'auteur étant seul à interpréter chaque religion, et son point
de vue était plus général car sociologique.
La déclaration commentée par Michel Dion est plus fidèle à chacune des
trois religions incluses, émanant d'un
dialogue de leurs membres eux ou elles-mêmes, et plus appliquée au monde
des affaires, cette communauté
ayant été invitée spécifiquement à participer au dialogue. Dans le chapitre
de conclusion, je présenterai une
autre déclaration d'éthique inter-religieuse proposée par Le parlement
des religions du monde, créé il y a plus
d'un siècle à Chicago, en 1893.
Chapitre
15
Dialogue sur la troisième partie
Ceci est le troisième et dernier dialogue présenté dans ce livre.
Dans ce dialogue, les participants et
participantes reviennent sur des questions abordées durant tout le forum
et explorent de même les thèmes
introduits dans cette partie du livre. Ce dialogue étant le troisième,
le lecteur devrait être maintenant habitué(e)
sur sa nature émergeante et non-structurée.
Je reviendrai dans le chapitre de conclusion sur la pertinence de
la discipline du dialogue. Je proposerai alors que cette discipline est
un processus qui peut contribuer à faire émerger une éthique appelée éthique
dialogique. Nous verrons de plus que, sous certaines conditions, le dialogue
peut devenir une discipline spirituelle.
Conclusion
Dans ce chapitre de conclusion je présente une évaluation
du forum faite par les participants et participantes. Je propose de plus
que le management est avant tout l'actualisation d'une certaine conception
du vrai, du bien et du beau, avec des implications épistémologiques,
éthiques et esthétiques très concrètes et
fort importantes pour le management de nos organisations et leur impact
sur notre monde.
Après avoir noté la suprématie actuelle de nos
organisations sur la structuration de nos sociétés et de
nos vies, l'impact planétaire de nos technologies avancées
et l'accroissement de l'idéologie néolibérale dans
le système politico-économique mondial, je conclus que nous
sommes littéralement acculés à la philosophie et
à l'éthique: nous n'avons comme choix que de mettre en place
collectivement une éthique planétaire et de rendre les inspirations
et les valeurs spirituelles les plus sociales et concrètes possibles.
Enfin, revenant à la notion de " niveaux de conscience
" développée dans le chapitre d'introduction de ce
livre, je présente un modèle systémique mettant en
évidence les interrelations complexes qui existent entre ces niveaux
de conscience et la santé de nos corps, les valeurs dominantes
dans nos sociétés ainsi que le type d'institutions, de technologies
et de pratiques de management que nous développons. Ce modèle
systémique me permet également de définir plus précisément
les dangers potentiels associés à l'utilisation de l'éthique
et de la spiritualité en management et de proposer quelques nécessités
essentielles pour leur développement et leur application.
Enfin, je titre 12 constats généraux dérivés
du chemin parcouru dans ce livre et je propose plusieurs axes de priorités
pour les activités futures du FIMES.
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